dièses contre les préconçus

Contre la solitude des seniors LGBT+, une « Maison de la Diversité »


Un habitat partagé pour permettre aux seniors LGBT+ de choisir leur mode de vie sans avoir à se justifier : tel est le projet de l'association les Audacieuses & les Audacieux.
par #Stéphane Sauvé — temps de lecture : 4 min —

Parce que la « famille » s’est éloignée ou a tourné le dos à ce grand oncle qui a toujours été célibataire, à cette sœur aînée qui a souvent été mystérieuse sur sa vie personnelle, parce qu’on a perdu son compagnon ou sa compagne, que la maison devient trop grande et que l’on se questionne sur son avenir, ou parce qu’on est une personne séropositive vieillissante et que l’on redoute les interrogations des autres sur son mode de vie et sur ses traitements… Un jour, on pousse la porte des Audacieuses et des Audacieux.

Les plus de 65 ans représentent plus de 13% de la population française. Quand on intègre le paramètre de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, toujours avec le même palier de 65 ans, on considère généralement autour d’un million le nombre de seniors LGBT+ en France.

Des seniors qui vivent souvent seuls et qui, pour plus de 90% d’entre eux, n’ont pas eu d’enfants. Des seniors qui se sentent invisibles parce qu’ils sont vieux et parce qu’ils assument leur condition (et le jeunisme est très prégnant au sein de la communauté LGBT+). Et l’invisibilité, c’est aussi une forme de discrimination. La solitude des seniors LGBT est bien réelle, on parle souvent de « grand isolement social ».

Un projet d’habitat participatif

Comme tout le monde, ils prônent le vivre ensemble et le lien social. Ils défendent aussi leurs droits, revendiquent leur identité et luttent contre les discriminations.

Alors ces seniors font communauté, dans le bon sens du terme, à travers la dimension affinitaire, les proximités de points de vue, de centres d’intérêts… Ils se soutiennent, ils s’entraident, pour un mieux vivre ensemble.

Chez Les Audacieuses & les Audacieux, il y a des femmes et des hommes, la mixité est une réalité (il y a autant d’adhérentes que d’adhérents à l’association chez les plus de 55 ans). Parce qu’ils savent qu’ils sont plus forts ensemble.

Il y a Aline, 73 ans, qui depuis sa Normandie anime l’antenne locale de l’association, via notamment une permanence d’écoute une fois par mois au centre LGBT de Caen. Référente de l‘activité Apéro-débat, elle se dit partante pour faire partie des premiers habitants de la Maison de la Diversité.

À Lyon, c’est Christian, 66 ans, qui vient de se déclarer volontaire auprès de l’antenne locale naissante pour « donner un coup de main ».

La Maison de la Diversité, c’est leur projet ! Un projet social d’habitat participatif et partagé. Des logements individuels proposés à la location et de vastes espaces collectifs, pour se retrouver, pour participer à la vie du quartier en accueillant des activités de loisirs et de prévention autour du bien-vieillir. Vivre chacun chez soi, mais pas tout seul, puisque les autres ne sont jamais loin. On est solidaires, toujours prêts à s’entraider et à se soutenir.

Une identité qui finit souvent invisibilisée

Quand on interroge les adhérentes et les adhérents de l’association, ils disent croire au projet parce qu’il correspond à leurs besoins, à ce qu’ils sont. Ils étaient jeunes dans les années 60 et 70, ont mené leur vie professionnelle, et se sont battus pour des droits et ont toujours lutté contre les discriminations, les stigmatisations. Et aujourd’hui à 70 ans passés, alors qu’ils saluent les avancées pour la condition LGBT+ (mariage pour tous, PMA, …), au moment d’envisager un logement plus adapté, dans une structure pour personnes âgées, ils devraient dans le même temps « retourner dans le placard », parce que leurs choix de vie les confrontent à une hétéro-normalité dont ils ne veulent pas ?

Dans les structures existantes, l’homosexualité des personnes âgées n’existe quasiment pas.
Bien évidemment, on ne parle pas ici des soignants et des professionnels (les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou identité de genre sont punies par la loi), mais plus d’une discrimination latente qui pourrait venir des autres résidents ou des familles, même si la société dans son ensemble a bien évolué.

Certaines personnes peuvent mal vivre les on-dit, des commérages ou une mise à l’écart (ressentie ou réelle). Les seniors LGBT+ n’ont surtout pas envie de se justifier ni de s’inventer une autre vie pour être acceptés.

Un sentiment de discrimination, et c’est l’estime de soi qui est mise à mal, c’est le moral en berne, qui entraine le manque d’envie de faire des choses, d’aller vers les autres, de sociabiliser. C’est aussi cette discrimination que combattent les Audacieux.

Les seniors LGBT+ veulent juste pouvoir continuer à choisir leur avenir en assumant leurs convictions et leur mode de vie… Et bien vieillir dans un environnement qui leur correspond et dont ils sont fiers.

Stéphane Sauvé est délégué général de l’association Les Audacieux.


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