dièses contre les préconçus

Expérience des salles de consommation à moindre risque


Les préjugés à l'encontre des usagers de drogues et des salles de consommation à moindre risque ne sont pas anodins : ils empêchent à ces dernières de sauver des vies.
par #Sacha F. — temps de lecture : 3 min —

Il y a beaucoup de préjugés et de discriminations envers les usagers de drogues, c’est loin d’être quelque chose de nouveau. Les mesures de réductions des risques à l’usage de drogue, comme la distribution de seringues et autres matériel de consommation stérile sont souvent visées par les critiques, quand bien même ces mesures, parmi lesquelles la mise en place de CSAPA (centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) et de CAARUD (centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues), ont sauvé de nombreuses vies en empêchant la transmission de maladies, le développement des infections liées à l’injection, en informant sur les risques des consommations dont le risque d’overdose, en accompagnant les personnes dans des problématiques d’addiction via un suivi consenti. 

Les salles de consommation à moindre risque (SCMR) qui ont ouvert en France à partir de 2016 ont également été l’objet de ces attaques. Je pense par exemple aux refus d’accueil de ces salles dans les quartiers concernés, à la mise en place de barrières pour séparer certaines salles du reste du centre hospitalier où elles se trouvent, ainsi qu’à la très mauvaise représentation de ces salles et aux fantasmes qui circulent sur leur utilité et ce qui s’y passe.

L’expression « salle de shoot » qui est très souvent utilisée, y compris par les médias, montre bien ces préjugés et ce manque de compréhension de la réalité des SCMR.

La réalité c’est qu’il ne s’agit pas de « salles de shoot » mais de salles de consommation à moindre risque, effectivement dirigées vers la consommation de psychoactifs. Il y a des postes d’injection, des fumoirs, pour permettre aux usagers de drogues de consommer dans un environnement sain – surtout pour ceux étant à la rue ou dans des situations de grande précarité –, avec des infirmiers présents. Il y a évidemment la possibilité de récupérer du matériel stérile (comme c’est le cas en CSAPA et CAARUD), mais c’est également des endroits qui disposent d’espaces d’accueil, où on peut manger, prendre un café, se doucher ou faire des lessives (ce qui est essentiel pour les personnes SDF). On y trouve aussi des salles de repos, et la possibilité d’avoir des consultations avec des infirmiers, des médecins, des psychologues, des travailleurs sociaux et des psychiatres. 

Je fréquente la salle de ma ville depuis son ouverture fin 2016. J’étais déjà au CSAPA qui gère la SMCR depuis plusieurs années. N’étant pas (plus) SDF, je n’y vais pas tant pour consommer que pour voir ma médecin, chercher du matériel. La réalité est loin de l’image sulfureuse que les gens peuvent s’en faire. Les SCMR, comme les CSAPA/CAARUD, sont vitales pour beaucoup d’entre nous : c’est souvent un des seuls endroits où on peut avoir un suivi médical sans jugements ni soins forcés, ce qui est loin d’être toujours le cas en raison des nombreux préjugés qui s’expriment dans le milieu médical. 

En conclusion, nous nous devons de voir et réfléchir au-delà des préjugés qui se sont imposés et qui, encore aujourd’hui, sont à l’origine de nombreuses violences et discriminations à l’encontre des usagers de drogues et personnes addicts. Ces structures se fondant sur des principes de réduction des risques, de prévention et de soin, continuent aujourd’hui de prouver leur efficacité quand il s’agit de limiter les risques liés à la consommation, ainsi qu’aider les personnes dans le besoin, souvent isolées, marginalisées, car victimes de nombreuses violences au quotidien et des conséquences de la criminalisation des usages. Pour toutes ces raisons, ces espaces nous sont essentiels. 

Sascha F. (@interopidum sur Twitter), 23 ans, consommateur d’héroïne.

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