dièses contre les préconçus

« Services publics pour territoires privilégiés »


D’après le droit français, les services publics doivent être fournis également sur tout le territoire et contribuer à la lutte contre les discriminations et les inégalités, entre les personnes et entre les lieux. Qu’en est-il réellement ?
par #Julie Gervais, Claire Lemercier et Willy Pelletier — temps de lecture : 14 min —

D’août 1914 à janvier 1915, j’ai pu me rendre compte que le personnage le plus important – et de loin – qui avait la première place dans la pensée des gens de la Grand-Rue [de Manosque] où j’habitais, c’était le facteur. Ce n’était pas [le maréchal] Joffre qui pouvait dire si Dieuze ou la Marne étaient des victoires ou des défaites : c’était Félicien Chabrier, le facteur, selon qu’il avait une lettre à donner ou pas. […] Voilà l’histoire qu’on appelle négligemment la petite et qui, à mon avis, est non seulement la grande mais la seule.

Jean Giono, Voyage en Italie, 1951.

Le facteur, c’est un des sujets dont la télévision française parle quand elle ne sait pas de quoi parler, depuis les chaînes publiques régionales jusqu’à Jean-Pierre Pernaut : « En Corse, un facteur effectue sa tournée quotidienne à dos d’âne pour rejoindre un village isolé » (émission « Spécial Corse », 1971) ; « Dans ce petit village, tout le monde connaît et adore le facteur, Sylvestre. Ce dernier ne cache pas son plaisir d’aller à la rencontre des gens, à échanger avec eux, à écouter leurs confidences. Mais parmi ses courriers figurent parfois de mauvaises nouvelles… » (téléfilm, 1979) ; « Portrait de Philippe, facteur depuis un an à La Poste de Castillon (Couserans, Ariège). Ingénieur agronome de formation, il a souhaité étudier le métier de facteur et son rôle social dans la vie rurale » (émission « Pyrénées Pirinéos », 1992). Le facteur, ce n’est jamais le fonctionnaire « privilégié » : il est même l’incarnation de l’égalisation du territoire par les services publics. Et avec une certaine logique. La loi de 1829 créant un « service rural » des Postes est sans doute, en France, la première loi qui fixe cet objectif. Étrangement votée en pleine monarchie, à une époque de restrictions budgétaires, elle débloque des sommes colossales pour embaucher plus de 5 000 facteurs et mettre en place quelque 35 000 boîtes aux lettres. Le courrier est dès lors collecté et distribué dans toutes les communes de métropole. Deux siècles plus tard, le 15 février 2013, il y a le suicide de Pauline, 21 ans, qui a commencé la veille un CDD à La Poste, sur une tournée enneigée en altitude ; et la fermeture de bureaux de poste au profit de « commerces multi-services ».

Des services publics dans tous les cantons…

Un service public dans tous les cantons (de métropole) : cet idéal a bien été partagé pendant une grande partie du XXe siècle, même aux plus hauts niveaux de l’administration. Pas seulement pour des motifs altruistes : avoir partout des gendarmes, des percepteurs, et des facteurs qui distribuent les informations officielles, c’était un moyen de mieux contrôler les populations. De plus, les dirigeants estimaient que proposer de plus en plus de services publics – accès à l’éducation, à la santé, aux routes en bon état, ou même aux piscines – serait, d’une façon ou d’une autre, bon pour l’ensemble du pays. Pas seulement pour les pauvres ou pour les montagnards, mais aussi pour les dirigeants de l’administration et les élus, voire pour les plus riches. Le but visé était d’éviter une révolution, ou de produire des soldats plus efficaces, ou des consommateurs (bon pour l’économie !), ou de se faire réélire. Et parfois d’appliquer le principe d’égalité – un principe qui est entré dans le droit grâce à des luttes sociales et à la contribution des universitaires.

Les hauts fonctionnaires n’ont jamais été obsédés par l’égalité. Quand les premiers ingénieurs des Ponts et Chaussées, avant la Révolution, réfléchissent à la construction et l’entretien des routes, ils pensent l’efficacité à l’échelle du royaume. Du fait de leurs origines sociales et de leur formation, cette efficacité passe tout naturellement par la centralisation et la hiérarchie : ils construisent une étoile autour de Paris et un classement de routes plus ou moins prioritaires. Ils ne se posent pas la question de l’accessibilité de chaque petit village. À partir des années 1880, au contraire, les gouvernements successifs de la IIIe République rendent l’école laïque, gratuite et obligatoire en 1881-1882. Ils créent une compagnie de chemins de fer de l’État, en 1878, pour construire des lignes secondaires dans les régions encore isolées. Ils font construire des écoles, des gares, des mairies et d’autres bâtiments publics : ces bâtiments donnent une majesté à ce qui appartient à tout le monde, aux services publics. Ils ont un air de famille : sur tout le territoire métropolitain, on sait à quoi ressemble une gare ou une mairie-école. Ce qui n’empêche pas qu’ils sont ancrés dans chaque région, construits avec des matériaux locaux.

La IIIe République est-elle pour autant un âge d’or ? Pas vraiment. Dans les trains, il y a une troisième classe pour les plus pauvres. Dans les écoles, en 1900 et encore en 1950, les enfants des paysans ou des ouvriers auront peut-être le certificat d’études, mais ils n’iront jamais au lycée, qui est en ville, et réservé aux enfants de bourgeois. Ce sont les territoires qui sont traités plus également qu’avant, pas les personnes. Une ambition bien disparue aujourd’hui.

L’idée de desservir tout le territoire repose notamment sur la péréquation des tarifs. Pour faire simple, c’est lorsque le tarif d’un service public payant est le même pour tout le monde. L’utiliser ne revient donc pas plus cher aux usagers pour lesquels sa production coûterait plus cher à l’État. Une géographe résume bien le principe : « assurer à tous, partout, la fourniture des mêmes services, pour tâcher de corriger les inégalités naturelles des territoires […]. La région parisienne doit-elle financer le plateau de Millevaches ou la métropole, les DOM ? » Et pourquoi pas ?

Avec la mise en place des principes de la péréquation au XIXe siècle, le prix du timbre-poste est le plus égalitaire : à partir de 1848, seul le poids de l’objet fait varier le coût de l’envoi ; la distance, à l’intérieur de la France métropolitaine, n’est plus prise en compte. Les journaux de Paris, notamment, peuvent ainsi facilement arriver partout. En ce qui concerne les chemins de fer, l’État fixe dès 1823 un tarif maximal au kilomètre ; on paye donc plus cher si on va plus loin, mais chaque kilomètre est traité pareil : qu’il ait fallu percer un tunnel dans les Pyrénées ou juste poser des rails en Beauce, et que le train soit plein ou non. Un principe qui a été détricoté à partir des années 1960, jusqu’à ce qu’au XXIe siècle, les prix des billets de TGV, déterminés par des règles complexes qui visent une rentabilité maximale, deviennent largement imprévisibles pour les usagers. L’égalité territoriale par les services publics, c’est donc la possibilité d’écrire loin, de voyager loin, de recevoir le journal de loin. C’est aussi le fait de trouver des services sur place, au plus proche.

… mais pas dans les DOM-TOM !

En 2020, avec la pandémie de Covid-19, le public des journaux télévisés découvre que Mayotte (250 000 habitants) et la Guyane (270 000), deux départements français bien éloignés des autres, n’ont pas de centre hospitalier universitaire. Dans ce cas, ce n’est pas seulement la « modernisation » qui est en cause : même lorsque la noblesse d’État tenait un discours d’égalité territoriale, il ne s’est jamais appliqué qu’à la métropole.

Une dame qui habite l’Approuague et qui, suite à un AVC [accident vasculaire cérébral], a besoin de soins de rééducation, se rend à Régina (Sud-Est de la Guyane), où elle prend un taxi agréé pour se rendre à Cayenne [à 115 kilomètres de route de Régina]. Elle n’a pas d’avance de frais pour le trajet en taxi ; pour la partie fluviale tout est à sa charge, de 150 à 200 euros.

Témoignage venant de la Caisse générale de Sécurité sociale de Guyane, et cité par le Défenseur des droits (service qui, depuis 2011, doit défendre les droits des citoyens face aux administrations, notamment en faisant des enquêtes et des rapports).

Le 14 février 2017, après de nombreuses mobilisations des Guyanais, le Défenseur des droits formule des recommandations pour un meilleur accès aux services publics : soins, mais aussi cantines, transports scolaires (certains enfants doivent faire quatre heures de pirogue pour se rendre au collège) ou encore électricité. Les besoins sont urgents : ainsi, la commune de Saint-Georges-de-l’Oyapock, qui compte 4 000 habitants sur une superficie équivalente au département des Yvelines (1,4 million d’habitants), n’est pas reliée au réseau EDF ; elle dépend d’un groupe électrogène. Derrière ces inégalités, il n’y a pas seulement des contraintes géographiques. Elles sont les conséquences de choix politiques : par exemple lorsque l’assurance maladie ne prend pas en charge les transports en pirogue au titre des transports sanitaires, alors que 60% du département n’est pas accessible par la route.

Comme c’était le cas, autrefois, pour les habitants des colonies françaises qui n’étaient pas colons, une grande partie de ceux des DOM-TOM sont privés de services publics. Ils préfigurent ce qui se dessine pour les habitants les plus enclavés de la France métropolitaine.

Pour accéder aux services publics, rouler ou cliquer

« Nous, ici, c’est 38-40 kilomètres pour avoir du service public. » Parole banale d’un Gilet jaune, le 17 novembre 2018, à Carsix (Eure), un peu plus de 250 habitants. Or les élites qui prétendent « moderniser » l’administration en sont sûrs : il suffit de mieux expliquer au Gilet jaune de Carsix leur plan de « remodélisation de l’action publique à travers ses métiers, grâce à une transformation numérique ». C’est simple : plus de guichet, mais un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Nombre de services ne sont aujourd’hui accessibles qu’en ligne : demande de bourses étudiantes, de logement social, de prime d’activité, inscription à Pôle Emploi, etc. Sauf que… d’abord, l’accès n’est pas gratuit : il faut avoir les équipements et surtout payer les abonnements. En 2018, 14% des Français n’ont pas de connexion Internet fixe, 25% pas de smartphone et 22% pas d’ordinateur. Et puis, le plan d’équipement de Carsix, pour un bon débit Internet à la maison, prévoyait en 2014 l’arrivée de la fibre en… 2020 (un équipement bien sûr réalisé par une entreprise avec un financement public), et le Covid l’a évidemment retardée…

Bref, le numérique n’est pas une bonne solution pour l’accès aux services publics depuis Carsix – comme depuis bien d’autres lieux. Pourtant, le village n’est pas dans une zone enclavée en montagne. Juste dans une campagne française comme tant d’autres, pas trop loin de Rouen mais pas très près non plus. Une de ces campagnes où sont allés habiter ceux et celles qui voulaient un peu d’espace pour leurs familles, pour un peu moins cher qu’en ville. Eh oui, hors des villes en France, ce n’est pas le désert du Gobi : l’exode rural, c’est fini depuis les années 1970. À la campagne, il n’y a pas que les maisons de week-end des élites parisiennes ; il y a aussi beaucoup de gens, jeunes et vieux, qui vivent toute l’année.

Cela dit, la Normandie n’est pas dans la pire des situations. À un quart d’heure de voiture de Carsix, il y a Bernay, 10 000 habitants et une gare ouverte en 1855, qui fonctionne toujours, avec des trains pour Paris, Rouen et d’autres villes du coin. Toutes les campagnes n’ont pas cette chance. Entre 1980 et 2013, le nombre de communes disposant d’une gare a baissé de près de 30% ; entre 2011 et 2019, 744 kilomètres de « petites lignes » ferroviaires ont été supprimés, souvent après une période de mauvais entretien – d’où un manque de fiabilité du service, qui servait à justifier la fermeture. Jean-Cyril Spinetta, énarque et ancien dirigeant d’Air France, disait en 2018 que ces « petites lignes » étaient « héritées d’un temps révolu », donc forcément inutiles ; il ne proposait pas pour autant un service d’avions privés pour chaque village… Les dirigeants d’administrations, depuis Paris ou les grandes villes, retirent ainsi aux usagers des petites villes et des campagnes non seulement des services publics, mais aussi des moyens de les rejoindre.

Les villes de 10 000 à 20 000 habitants, qui étaient auparavant des villes centres dans les régions rurales, sont les plus touchées. Pontivy, en Bretagne intérieure, en est un exemple. Elle a perdu ses trains de voyageurs dès les années 1980 ; des services hospitaliers et des militaires dans les années 1990 ; puis, entre 2009 et 2019, le tribunal, le guichet de la Banque de France pour les personnes surendettées, la plupart des services fiscaux – notamment pour les entreprises –, et l’accueil au public de la sous-préfecture.

Les seuls services publics qui se sont répandus géographiquement en France entre 1980 et 2013 sont les collèges, les piscines publiques, et plus encore les agences pour l’emploi (avant leur numérisation) et les Ehpad. En revanche, le nombre de communes disposant d’une gendarmerie a baissé de plus de 10% ; d’une école primaire, du quart ; d’une perception (service des impôts), du tiers ; d’un tribunal, de plus de 40%. Il n’est plus exceptionnel d’être à plus de 30 minutes de route des urgences – ce qui coûte finalement cher à l’État, lorsqu’il faut utiliser un hélicoptère pour sauver quelqu’un… Et une commune sur deux qui avait une maternité en 1980 n’en a plus en 2013. En 2019, plus d’une femme sur quatre en âge d’accoucher vit à plus d’une demi-heure de trajet de la maternité la plus proche.

Au Blanc, une sous-préfecture de l’Indre, la maternité a été « liquidée » en octobre 2018, pour « réaliser des économies d’échelle ». Mais sur une autre échelle, à l’aune des vies concernées au sud de l’Indre, à l’échelle des femmes qui vont mettre au monde, démarrent, avec les « premières douleurs », des odyssées incertaines et affolées. Contraintes à une heure de route quand démarrent les contractions, sur des départementales isolées où traversent des chevreuils, pour s’en aller accoucher à Châtellerault, à Poitiers, Châteauroux ou même Guéret. Une heure sur des départementales sans marquages au sol, hors réseau téléphonique. Une heure si c’est de nuit ou l’hiver, par temps sec. Autrement c’est bien davantage, surtout durant les moissons et un peu après : impossible, alors, de doubler les tracteurs ou les remorques agricoles, qui roulent à 30 kilomètres à l’heure. Une suppression accélérant l’autre, les services publics sont éliminés en chaîne. Fermeture de la gare puis de la « boutique SNCF », fermetures du tribunal, de l’hôtel des impôts, des permanences de la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam), de certaines options au lycée et de sa section électrotechnique. Pour les rendez-vous à Pôle emploi, il faut aller à Argentan désormais, quarante-cinq minutes en voiture ; et sans voiture, un bus par jour, obligation de dormir à l’hôtel et de prendre le bus du lendemain pour rentrer.

Des problèmes d’accès qui se multiplient

Par quoi ceux qui ferment des services publics les remplacent-ils ? Souvent par une injonction à « se déplacer » ou à « télécharger l’application ». Comme si cela allait de soi. Parfois aussi par le regroupement des services dans une seule « maison France Services », histoire que cela coûte moins cher en locaux et en personnels. Ces maisons ne bénéficient même pas des économies que les différentes administrations font en « réorganisant leurs réseaux » – comme l’écrivait pudiquement la Cour des comptes en 2019 pour parler des fermetures de services publics. Elles sont souvent sous-financées et surtout, les personnes qui y tiennent le guichet ont en général un statut précaire – alors qu’elles doivent tout faire : postières, agentes de Pôle emploi, des allocations familiales ou maladie, parfois aussi de la mairie (inscrire sur les listes électorales, donner les formulaires pour les permis de construire), aider avec le numérique, dire où (ailleurs) il faut aller pour le reste (les procès, les impôts, etc.), et encaisser les critiques quand les usagers en ont marre d’être baladés…

D’autres fois, ces services sont regroupés dans un commerce. En effet, dans une commune, la fermeture des services publics peut entraîner celle des commerces et le départ de beaucoup d’habitants, et ainsi de suite. Le sénateur de droite breton Dominique de Legge parlait à ce sujet d’« effet domino » dans un rapport de 2011 – qui, comme bien d’autres rapports sur l’accès aux services publics, n’a eu aucun effet. Peut-on stopper ce cercle vicieux en aidant un bar à être aussi une bibliothèque publique, une boulangerie à jouer le rôle de poste ? C’est le pari de certains maires, parfois dans le cadre d’un soutien à des pratiques dites alternatives, parfois juste pour maintenir le dernier commerce sous respirateur. Le risque est toutefois de soutenir avec de l’argent public une entreprise dont les patrons ne rempliront pas forcément les devoirs des fonctionnaires : égalité de traitement, secret sur les données des usagers, notamment. Si ces patrons sont des militants, dans la version « alternative », cela peut permettre de proposer quelque chose d’adapté aux demandes des usagers (plus qu’un guichet standard dessiné à Paris). Les « cafés associatifs » se multiplient par exemple dans les villages et villes de la Creuse, sur et au pied du plateau de Millevaches, à la suite de l’Atelier de Royère-en-Vassivière et de la Petite maison rouge de Felletin. Au départ, ce sont des bars et lieux culturels, dont certains ont été agréés comme centres sociaux. Les maires constatent que cela fonctionne mieux lorsqu’une association dynamique existe déjà, à laquelle ils apportent leur soutien, plutôt que de créer un commerce-services et chercher ensuite qui pourrait le tenir. Mais c’est une solution fragile : il faut que la commune ne soit pas étouffée financièrement, que les commerçants acceptent de rester, et qu’ils jouent vraiment le jeu – et, de toute façon, ils ne tiendront jamais tous les guichets. Rien ne remplace un véritable maillage des services publics sur le territoire.

Suite aux fermetures réalisées depuis les années 1990 et surtout 2000, dans le cadre des réformes de « modernisation », on assiste ainsi au détricotage du territoire, notamment dans les campagnes, où se multiplient des problèmes d’accès aux services publics. Mais les inégalités territoriales pénalisent aussi les banlieues populaires. Dans ces espaces où la population a fortement augmenté depuis les années 1980, le choix a souvent été plus insidieux : il a consisté à ne pas élever la capacité des services publics à la hauteur des besoins croissants. La Seine-Saint-Denis offre un exemple flagrant. Dans ses tribunaux d’instance (rebaptisés « de proximité » en 2020 – le premier degré, généraliste, d’accès à la justice), les sous-effectifs sont permanents. Les mauvaises conditions de travail font que les personnels partent dès qu’ils le peuvent, ce qui dégrade encore le service public et les conditions de travail, et ainsi de suite. Résultat : en 2016, la durée moyenne de traitement des affaires est deux fois plus élevée à Aubervilliers que dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Neuf mois au lieu de quatre et demi, quand on réclame un droit, c’est beaucoup… À l’été 2017, la situation se dégrade encore. Surchargés de travail, plusieurs des rares greffiers du tribunal doivent se mettre en arrêt maladie. Pour pouvoir continuer, même lentement, à assurer les procès, la présidente du tribunal prend la décision de fermer le service de nationalité française et l’accueil du public, de septembre 2017 à janvier 2018. Or pour les 230 000 personnes qui dépendent de ce tribunal, c’était le seul lieu où il était possible, entre autres, de s’inscrire à certains concours, ou de faire des démarches pour enterrer un proche dans son pays d’origine. Un exemple criant de « discrimination territoriale », comme l’écrit alors le maire communiste de La Courneuve, Gilles Poux, à la ministre de la Justice.

Ce texte est constitué d’extraits remaniés de Julie Gervais, Claire Lemercier et Willy Pelletier, La Valeur du service public, Paris, La Découverte, 2021. Le livre donne toutes les références des citations reprises ici et des travaux universitaires sur lesquels se fonde le propos.


Icône de recherche